2M 4ever
La bouche horriblement pâteuse, l'homme ouvrit les yeux avec difficulté. Il se sentait faible, la lumière trop forte lui blessait les yeux. Désorienté, il avait l'esprit embrumé comme au sortir d'un rêve dont on n'arrive pas à émerger.
Il n'était pas dans son lit, pas chez lui. La pièce, aux murs d'un blanc stérile, n'était pas très grande, trois mètres sur quatre environ, sans fenêtre. Juste une porte qui semblait hermétique, un lit, une table avec trois chaises, une petite table de chevet, sur laquelle était posé un gobelet en plastique ainsi qu'une carafe d'eau du même matériau, et une petite bouche d'aération, au pied de son lit.
A chaque coin du plafond, une caméra le regardait, bien à l'abris derrière ses protections de plexiglas.
Tout était du même blanc immaculé. Très propre, trop peut-être pour être une cellule, le lieu ressemblait presque à une chambre d'hôpital. Mais il n'y avait pas de fenêtre... Une cellule un peu particulière alors ?
La lumière provenant du plafond n'était pas si forte que cela, c'était ses yeux qui n'arrivait pas à s'accommoder.
Il se dit qu'il avait été drogué.
...
Que s'était-il passé ?
Il se souvint des hommes armés qui avaient fait irruption dans sa suite à l'hôtel. Ils l'avaient cloué au sol avec efficacité, puis des hommes en tenue d'isolation complète avaient pénétré à leur suite, et l'un de ces derniers lui avait injecté quelque chose à l'aide d'un pistolet hypodermique. Et puis après, le trou noir...
Il se redressa et s'assit sur le bord du lit. La tête lui tournait un peu.
L'intérieur de ses coudes le grattait. Il y sentit de petites croûtes, traces de piqûres récentes, nombreuses.
Où est-ce qu'il avait atterri ?
Il ne se connaissait pas d'ennemi ! Ou alors peut-être quelque confrère jaloux de sa réussite ?
Non, cela n'avait pas de sens.
Cela faisait plusieurs jours qu'il était resté bloqué dans cette suite à l'hôtel, il avait trop peur du virus pour sortir, comme tout le monde. Il avait annulé les trois conférences à venir, et à cause de cette interdiction de déplacement générale, il ne pouvait pas rentrer chez lui, ni rejoindre son labo.
Le virus...
Les hommes armés qui avaient pénétré chez lui étaient couverts de la tête au pied, ils avaient un genre de masque à gaz, des gants de type caoutchouteux, pas en tissu, et il lui semblait bien qu'ils avaient des écussons officiels sur les épaules... Et ceux qui étaient entrés à leur suite avaient tout des spécialistes qu'on voyait, aux informations télévisées, étudier avec précaution les malades atteints du virus.
Mais pourquoi l'arrêter lui ? Pourquoi comme ça ?
Les nouvelles avaient dit que les terroristes responsables de la contamination avaient été payés en échange de la formule de l'antidote. Etait-il possible que la police le prenne pour l'un d'entre eux ? Certes il était un spécialiste en virologie, mais un parmi d'autres, et le contenu de ses travaux n'avait rien de secret.
Se pouvait-il que le gouvernement le cru responsable ?
Non, non. Ce n'était pas logique, ce devait être autre chose...
Un bruit attira son attention vers l'unique entrée de la pièce, un tapotement étouffé. Un sifflement léger de décompression et la porte s'ouvrit en douceur.
Il s'attendait à voir entrer des hommes en tenue isolante, mais ce ne fut pas le cas. Une femme en blouse blanche et un homme en costume de ville pénétrèrent dans la pièce et la porte se referma en silence.
Pas de tenue antivirale, son arrestation n'avait peut-être rien à voir avec le virus...
Les deux arrivant s'assirent face à la table, du côté opposé à celui du lit.
L'homme, un gaucher, sorti un calepin de sa poche et un stylo. Un calepin en papier avec une petite couverture de cuir noir ! Une antiquité !
« Vous êtes Youri Sergerov » commença l'homme, les yeux sur son calepin « directeur de recherche pour les laboratoires KKOV.
- C'est exact, admit Youri.
- Prenez place je vous prie ».
L'homme montrait d'une main ouverte la chaise libre qui leur faisait face.
Après une hésitation, Youri se leva et s'assit.
« Je suis l'agent Razi, se présenta l'homme, et voici le docteur Mendosa, compléta-t-il en montrant la femme.
- Pourquoi suis-je ici ? s'enquit Youri.
- Vous ne le savez pas ? lui demanda l'agent.
- Je devrais ?
- Vous pourriez ».
Youri réfléchit quelques secondes.
« En effet, si j'étais coupable de quelque chose, je saurais pourquoi vous m'avez kidnappé de la sorte. Mais ce n'est pas le cas.
- Cela ne me coûtait rien de poser la question, rétorqua l'agent Razi avec un petit sourire d'excuse.
- Pourriez-vous me renseigner alors ?
- Vous êtes bien spécialiste en virologie ?
- Oui.
- Un des plus grand spécialiste mondiaux ?
- Certains le disent.
- Pourquoi n'avez-vous pas rejoint vos laboratoires lorsque la nouvelle d'une contamination bio-terroriste a été révélée ? Les journaux on pourtant bien spécifié qu'il s'agissait d'un virus...
- C'est un crime ?
- Non, mais cela ne répond pas à ma question.
- Au départ, je ne pensais pas être concerné. C'était une action terroriste, les gouvernements devaient prendre les mesures nécessaires.
- Et quand vous avez réalisé la gravité de la situation sanitaire ? »
Youri se tut de longue seconde, avant de reprendre d'une voix très basse : « Je ne suis pas un héros. Dès les premiers moments, j'ai demandé à mon laboratoire de me tenir au courant. J'ai rapidement compris que les terroristes avaient créé un virus très efficace, et que sans les formules des médicaments qu'ils voudraient bien fournir en échange de la rançon, il ne serait pas possible de le contrôler. Retournez chez moi, rejoindre le laboratoire, cela voulait dire prendre l'avion, croiser des milliers de personnes... Ce virus est un tueur... Je... j'ai préféré ne pas prendre le risque...
- Avec vos connaissances, vous auriez pu aider à trouver comment lutter contre ce virus.
- Ce n'est pas en deux semaines que ce genre de chose peut être mise au point. Et les chiffres de vitesse d'expansion du virus parlaient d'eux-mêmes. Oui, j'ai eu peur. Est-ce un crime ?
- Pas selon la loi.
- Alors pourquoi m'avez-vous arrêtez ainsi ?
- Tout nous porte à croire que vous êtes à l'origine de la transmission du virus 2M.
- Alors je pourrais aussi bien être porteur du virus. Pourquoi ne portez-vous pas de tenue de protection ? s'enquit Youri suspicieusement.
- Parce que nous sommes déjà contaminé, comme plus de cinquante pour cent de la population mondiale.
- Mais... mais... »
Les idées s'entrechoquaient dans l'esprit de Youri. Il avait l'impression que les drogues qui lui avaient été injectées ralentissaient ses capacités intellectuelles. Le virus ? Il le soupçonnait lui ?
« Qu'est ce qui vous fait croire que c'est moi qui ai créé ce virus ? voulut-il savoir.
- Qui vous a dit que nous pensions que vous l'aviez créé monsieur Sergerov ? releva avec ruse l'homme qui l'interrogeait.
- Vous-même, à l'instant ! »
L'agent ne répondit pas.
« A moins que... reprit Youri, vous avez dit "transmettre" ? Vous voulez dire ... que... que je...
- En effet, continua la femme. Vous êtes le porteur du virus, et pour être plus précis, la première personne à avoir portée le virus.
- C'est moi que les terroristes ont contaminé en premier ?
- Il semble, confirma la femme.
A suivre... :-)
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